Frédérique Martz, Directrice Générale et cofondatrice de Women Safe & Children et Lou Romond, infirmière et coordinatrice du Pôle Mineurs chez Women Safe & Children présentent les actions de l’Institut Women Safe & Children en faveur de l’enfance. Rencontre !
Pourquoi la création d’un Pôle Mineurs chez Women Safe & Children ?
Frédérique Martz : Derrière chaque mère violentée, il y a un enfant traumatisé. En 2014, nous avons voulu réunir en un même lieu Santé et Justice. Cette initiative pionnière constitua une réelle avancée pour toutes les femmes victimes. Au même moment, les enfants exposés aux violences intrafamiliales, encore appelés « témoins » en 2014, n’étaient ni entendus, ni pris en charge. La création du Pôle Mineurs au sein de Women Safe & Children s’imposait. En outre, la précocité de la prise en charge d’un enfant répond aussi à notre engagement à pouvoir agir le plus en amont possible : le destin de ces enfants ne doit plus être conditionné par la répétition des violences. C’est la raison pour laquelle, depuis 2017, les enfants bénéficient à leur tour d’une prise en charge pluridisciplinaire, adaptée aux besoins spécifiques de leur âge. Très vite, l’Aide Sociale à l’Enfance nous a identifiés comme un acteur de la prise en charge médico-psycho-socio-juridique des mineurs. A ce jour, l’Institut a accompagné gratuitement plus de 300 enfants.
Comment se traduit concrètement l’accompagnement que vous proposez ?
Lou Romond : L’infirmière reçoit dans un premier temps l'adulte référent de l’enfant afin d’identifier le motif de prise en charge, et de recueillir le maximum d’informations. L’objectif est d’appréhender chaque situation dans sa globalité. Il nous semble essentiel de prendre en considération tout l’écosystème de l’enfant (parents, fratrie, environnement, école, etc.), afin d’offrir une prise en charge efficace, pouvant s’inscrire dans sa réalité.
Dans le cas d’une orientation par l’Aide Sociale à l’Enfance, une réunion d’inclusion est proposée afin de rassembler toutes les personnes agissant autour de l’enfant.
L’infirmière, après avoir recueilli ces différents éléments, les partagera avec l’équipe pluridisciplinaire. Elle recevra ensuite l’enfant. Cette première rencontre a pour vocation d’accueillir l’enfant et de créer un lien avec lui. Suite à ce rendez-vous, la prise en charge individuelle sera initiée (psychologique, juridique, psycho-corporel, etc).
La psychologue référente pourra proposer en parallèle du suivi individuel, une prise en charge collective dans le cadre d’ateliers thérapeutiques.
Dans le cas d’un enfant de l’Aide Sociale à l’Enfance, des synthèses régulières avec les acteurs de l’écosystème de l’enfant seront organisées pour coordonner et harmoniser nos actions respectives.
Enfin, la prise en charge pluridisciplinaire que nous leur offrons doit s’inscrire dans la durée. En effet, de nombreux éléments susceptibles de venir perturber l’enfant et/ou de le remettre dans une situation d’échec et/ou d'insécurité sont susceptibles d’apparaître durant son parcours de soin : actions de justice, dysfonctionnements intrafamiliaux, etc.
Frédérique Martz : Notre prise en charge des mineurs répond à notre approche systémique des violences. Ce terme, issu du jargon médical, est utilisé pour qualifier un trouble qui affecte la totalité de l’organisme et non pas seulement une partie du corps. Lorsqu’une mère de famille vient frapper à notre porte, nous considérons que tout son environnement est ou peut être impacté par les violences qu’elle subit. Les violences sont systémiques, la prise en charge doit l’être aussi.
Quel bilan dressez-vous des actions menées en faveur des enfants victimes de violences cette année ?
Lou Romond : Cette année, nous avons élaboré des programmes de vacances pour les enfants et les jeunes souvent livrés à eux-mêmes durant ces périodes. Notre objectif est de leur offrir des temps de soin à la fois ludiques et collectifs. Parmi les nouveaux ateliers thérapeutiques plébiscités par les plus jeunes et aux nombreux bienfaits, il y a l’équithérapie mais aussi les baptêmes de plongée mère-enfant. Ces moments en apparences récréatifs nous permettent de compléter le travail initié par la prise en charge individuelle.
Nous avons également accueilli de nouveaux bénévoles dont une sophrologue, une éducatrice de jeunes enfants et des comédiens. Il est important de préciser que la formation en psychotraumatologie de tous les professionnels bénévoles évoluant autour des enfants est indispensable. Elle est dispensée dès leur arrivée.
Frédérique Martz : L’Institut Women Safe & Children a aussi proposé cette année deux grands colloques sur les thèmes des violences faites aux enfants et aux adolescents. Grâce à ces deux évènements, nous avons touché plus de 900 personnes en présentiel et sensibilisé des milliers de personnes via les réseaux sociaux ! Au-delà du travail de prévention et de sensibilisation, notre enjeu est de diffuser des éléments indispensables à la compréhension et à la prise en charge des violences auprès d’un très large public.
Quelle est la feuille de route du Pôle Mineurs de l’Institut Women Safe & Children pour l’année à venir?
Lou Romond : Fort de ses cinq premières années d’expérience dans l’accompagnement des enfants victimes, le Pôle Mineurs continue à se développer pour proposer une prise en charge répondant aux dernières publications et recommandations réalisées dans le domaine des neurosciences, notamment en matière de psychotraumatologie. Tous les professionnels de l’Institut Women Safe & Children s’inscrivent donc dans un processus de formation continue.
Frédérique Martz : En ce qui concerne la prévention des violences, celle-ci doit s’inscrire dans le cursus scolaire dès l’enfance. En 2023, nous allons développer une offre de formation auprès de tous les professionnels de l’éducation. Nous souhaitons leur transmettre des éléments de compréhension et des outils pour repérer, dépister et orienter le plus tôt possible, les enfants victimes de violences. L’école doit être accompagnée dans cette démarche.
Il nous semble aussi primordial de nous adresser directement à la jeune génération, sans oublier leurs parents. En 2023, nous irons à la rencontre des adolescents dans les établissements scolaires. L’objectif de ces interventions sera de leur apporter un éclairage sur l’impact des violences notamment sur leur santé mais aussi sur leur développement. Nous allons également leur offrir une palette d’outils de prévention des violences afin de les rendre pleinement acteurs de cette lutte.
Propos recueillis par Annabelle Baudin pour Women Safe & Children
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